Covid-19/Coronavirus et traitement : querelle des écoles médicales et prédiction de Jacques Fame Ndongo dans « Ils ont mangé mon fils ».
Depuis l’apparition de la Covid 19 en novembre 2019 en Chine, tous les continents subissent les affres de cette pandémie et continuent d’en payer un lourd tribut sur tous les plans. De l’Asie à l’Europe en passant par l’Amérique et l’Afrique, l’humanité toute entière est ébranlée par un intrus qui frappe aveuglement et à grande vitesse. Au regard des avancées technologiques et scientifiques que connaît le monde contemporain, l’espoir de venir à bout de cette pathologie est-il certain ? Si oui, à travers quelle équation ?
En effet, au moment où les grandes puissances convoquent la science en usant de la médecine moderne pour éradiquer la pandémie, l’Afrique, quant à elle, a tendance à s’appuyer véritablement sur sa médecine traditionnelle encore appelée pharmacopée traditionnelle africaine. C’est justement de là que sont nés les débats autour du traitement des patients atteints du Coronavirus. Bien plus, à ces controverses autour de l’usage de la pharmacopée traditionnelle africaine ou de la médecine moderne pour endiguer des affections, d’autres débats qui préoccupent sérieusement la société africaine actuelle sont représentés depuis quelques décennies par la fiction théâtrale camerounaise d’expression française.
La Thèse de Doctorat/Ph.D intitulée « Socioculture du théâtre et signification : étude des belligérances culturelles dans l’œuvre dramatique de Hubert Mono Ndjana, Jean Rigobert Donfack, Rabiatou Njoya, Jacques Fame Ndongo et Guillaume Nana », soutenue publiquement par Thérèse Mantho à l’Université de Dschang en 2018, remet au grand jour la problématique du conflit culturel. Et, parler des belligérances culturelles, c’est aborder la question de la peinture sociale : des rivalités au sein des cultures endogènes d’une part, et des affrontements entre les traditions locales et les valeurs venues d’ailleurs d’autre part. Cette Thèse décrypte le cœur de la plèbe des traditions africaines, et des progrès scientifiques occidentaux qui ont pour corollaire la vague des valeurs exogènes importées en terre africaine, pour nous faire ausculter la conflictualité entre la civilisation africaine et la civilisation occidentale. Elle montre comment les rivalités socioculturelles déstructurent la société extratextuelle dont les œuvres du corpus se veulent le reflet.
Le déclin est immense. Et, Jacques Fame Ndongo, pour ne citer que cet auteur du corpus de la thèse suscitée, à travers le personnage d’Andréas dans sa pièce de théâtre « Ils ont mangé mon fils » (PUY, 2007) s’insurge contre le rejet des traditions ancestrales par la nouvelle génération incarnée par Félix, le fils de ce personnage. Félix est un jeune étudiant. Son frère aîné Jean Akuteyo’o (Enseignant des lycées) vient d’être frappé subitement de folie. Il faut le soigner. Mais à quelle école médicale doit-on recourir pour le guérir de sa folie ? Est-ce à travers la médecine moderne que Jean se remettra de son mal ? Ou bien s’en tirera-t-il grâce à la médecine traditionnelle ?
Félix, qui récuse obstinément la médecine traditionnelle au profit de la médecine moderne au moment où il est question de soigner Jean, est aux prises avec leur père Andréas, décidé à en découdre avec les médecins officiant à l’hôpital psychiatrique où est conduit le patient car selon lui, ceux-ci sont incapables de tirer son fils de cette maladie. Andréas est prêt à l’emmener au village afin qu’il soit traité selon les techniques magico-religieuses ancestrales, et cela malgré l’opposition brandit par les médecins et Félix. Or, ce que cet étudiant ignore jusque-là, c’est que la pharmacopée traditionnelle africaine est un tout, riche et complexe qui intègre de nombreuses et diverses entités cosmiques (les substances végétales, animales, minérales et les puissances spirituelles). C’est alors que Andréas, membre du clan des sorciers du village, va l’initier à la connaissance des traditions ancestrales afin de reconquérir l’identité de son fils, apprenant à l’école occidentale, et faire de lui un personnage complet. Félix s’en sort heureux et s’exclame à la fin de la pièce :
Félix : Je suis comblé ! Tout en continuant normalement mes études universitaires, je vais enfin connaître les formules et les équations de nos aïeux. Assurément, avec elles et les connaissances des Autres, le progrès social sera plus rapide et harmonieux chez nous. (Tambours, balafons, castagnettes, sifflets, cloches et groupes de danse) Ils ont mangé mon fils, II, V, Sc. 2, p.96.
La voix de ce personnage (Félix) résonne actuellement dans toute la société africaine, voire au-delà. L’œuvre de Jacques Fame Ndongo transcende dès lors le cadre spatio-temporel qui l’a vue naître pour installer le lecteur-spectateur dans le contexte d’une crise sanitaire mondiale marquée par une grave pandémie, où l’on voit des écoles médicales balbutier et se croiser le fer, tout comme elles l’ont fait lorsqu’il s’est agi de sauver Jean le héros de l’œuvre, victime de folie. Évidemment, la Covid-19 est une maladie pour laquelle tous les praticiens de la santé remuent ciel et terre pour mettre sur pied un traitement en vue de sauver l’espèce humaine prise au piège d’un virus redoutable. La course pour la découverte d’une molécule garantissant son traitement efficient est engagée, et le vaccin attendu. Dans cette course pour venir à bout de la pandémie, l’Afrique est au réveil et en action. Le monde vaincra le Coronavirus!
