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La mer des roseaux d’Emmanuel Matateyou ou l’imaginaire des trafics routiers au Cameroun

20 Août

La mer des roseaux d’Emmanuel Matateyou ou l’imaginaire des trafics routiers au Cameroun

La mer des roseaux est un voyage dans la société africaine des années 2010. Note de lecture.

L’auteur embrasse l’ensemble du continent à travers de multiples situations de vie quotidienne, mettant en scène plusieurs personnages dans les lieux géographiques différents. En fait, c’était le minibus le bien est bien, dont le chauffeur – un quadragénaire – était Hombré, qui était en partance pour Ongola. Il avait à son bord des passagers venus d’horizons divers qui avaient pour destination Ongola, la capitale. Sur le chemin, le voyage était perturbé par parfois par des crevaisons et autres pannes, parfois par les différents contrôles routiers qui exigeaient tantôt les dossiers complets du véhicule et tantôt les cartes d’identité des passagers. Parmi les passagers à bord du minibus figuraient en première place Obama et Njoya qui revenaient de Foumban où ils avaient pris part à des funérailles du grand-père de l’épouse de Njoya. Ils y sont rentrés avec plein de préjugés sur chaque tribu. Mais les deux avaient réussi à briser les barrières tribales entre eux, car ils sont amis depuis plus d’une décennie. En effet, le premier arrêt du minibus fut Makénéné pour permettre aux passagers et surtout à Njoya qui avait déjà une vessie pleine à exploser de se mettre à l’aise. Dès que le minibus s’immobilisa, on observa des vendeurs ambulants roder autour du véhicule avec des plateaux chargés de leurs marchandises sur la tête. Après le carrefour de Ndikimimeki, le minibus le minibus avait une autre crevaison. La roue arrière, côté chauffeur, était à plat. Hombré fait descendre les passagers et dépanne la voiture. Chemin faisant, il raconte à ses passagers les multiples souffrances qu’il a endurées depuis le matin de ce jour avec sa voiture. Arrivée à Bayomen, la Hiace toussota pendant quelques minutes et s’arrêta sur le flanc de la colline au sommet de laquelle trônait le collège d’enseignement secondaire général. Cette fois, le problème prendra beaucoup de temps pour être résolu. Ainsi, les passagers observent les braconniers avec à la main des animaux de toute espèce tués pour la commercialisation. La nuit tomba alors que la panne n’était toujours pas dépannée et les passagers se trouvèrent donc obligés de passer la nuit dans la colline de Bayomen. De ce fait, ils s’étaient regroupés autour d’un grand feu où ils se contaient des histoires sur les mythes africains.

À la République du Golfe de Guinée régnait un désordre chaotique suite à la proclamation des résultats des élections présidentielles par le Comité national de recensement des votes (CONAREV) qui donnait le président de la République sortant Sango Bayyi-ha une fois de plus vainqueur. Ongola était la ville dans laquelle vivait cet homme charismatique avec beaucoup d’influences – Marché Noir était son nom – qui devait tenir tête au président Sango en posant sa candidature pour les élections présidentielles. Malheureusement pour lui, il n’ira pas plus loin à cause de la trahison par son président du parti Zébazé pour des raisons de son positionnement. Finalement, le minibus a été dépanné grâce au secours de deux mécaniciens qui étaient venus en renfort. Subitement, non loin du pont d’Ebebda, le minibus fut interpelé par six gendarmes qui avaient encerclé la voiture, demandant aux passagers ainsi qu’au chauffeur de se présenter. À quelques mètres encore, après les plantations d’ananas, vers le fleuve Sanaga, le minibus fut intercepté une fois de plus, et cette fois-ci, par les policiers, militaires et gendarmes qui ont semé du chaos sur la route avec un parterre de voitures garées. En fin de compte, Obama et Njoya dans leur mésaventure, rencontrent un chien du nom de Mboudjak qui parlait. Ce chien était mystique, car il voyait ce que personne ne voyait, entendait ce que personne n’entendait et connaissait ce que personne ne connaissait, pas même son maître. Il annonçait que la fin du monde était déjà arrivée avec la descente sur la mer de Jésus, Mahomet et les autres figures emblématiques qui étaient décédées.

En réalité, l’auteur de La mer des roseaux nous promène dans l’Afrique et nous fait voir différents mythes de ce continent. En fait, l’auteur développe plusieurs thèmes à l’instar du tribalisme d’une part. Ainsi, il défend avec une certaine vigueur et fermeté le tribalisme qui sévit encore de nos jours dans les sociétés africaines. Ceci passe par des préjugés que font certaines personnes sur chaque ethnie, chaque tribu comme quoi « l’Eton mangeur de savon ; le Bamoun serpent à deux têtes ; le Bamiléké avare, cupide, sale et toujours à la recherche du gain ; l’Ewondo vaniteux dépensier qui ne pense jamais au lendemain ; le Douala frimeur et orgueilleux qui vit au-dessus de ses moyens ; le Maguida toujours sale avec ses dents jaunies par la kola qu’il mâche à longueur de journée ; le Bassa qui se ballade toujours avec une enveloppe et un timbre dans son sac parce que belliqueux, il est toujours prêt à porter plainte ; le Dschang, qui est friand des femmes claires de peau, et ainsi de suite. » P.19. Il est d’autant clair que tous ces préjugés ne favorisent nullement l’unité nationale tant clamée par les politiques. Il serait donc important d’encourager le mariage inter-ethnique pour promouvoir la diversité culturelle. D’autre part, Emmanuel Matateyou défend fermement la culture africaine face aux mutations induites par de nouvelles technologies de communication. Il est donc pour la préservation et la promotion de la culture africaine. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il nous fait découvrir les merveilleux espaces de convivialité africaines où des personnes venus d’horizons diverses – et donc de cultures différentes – se  côtoient dans une parfaite harmonie. Ceci est d’autant plus perceptible à travers Obama et Njoya, deux amis qui avaient « pris part aux festivités organisées à l’occasion de la célébration des funérailles du grand père de l’épouse de Njoya », P.11. Il est tout à fait important de noter que les funérailles sont un lieu d’expression et une instance de promotion et de vulgarisation de la culture. C’est ainsi que des personnes font le déplacement de l’étranger et partout ailleurs pour assister aux funérailles. Pour certains, ce sont les membres de la famille et pour la majorité, ce sont des invités. De ce point de vue, l’auteur a tôt fait de nous faire découvrir ces merveilleux lieux, non seulement de brassage mais aussi de l’expression des cultures.

La mer des roseaux soulève deux problèmes majeurs notamment le problème de la gouvernance et celui des routes en Afrique. Tout d’abord, les routes qui ont été tracées depuis la période coloniale par les puissances étrangères ne sont pas entretenues. L’on rencontre des nids de poule par endroit qui, par manque d’entretien, finissent par devenir des nids d’éléphants. Nous pouvons voir cela avec Cissé qui, voulant éviter une chèvre qui traversait la route, donne un coup de volant brusque et, « ce faisant, il plongea dans un nid-de-poule rempli d’eau, piétina un instant avant de reprendre le contrôle de la voiture », P.112. Du coup, l’on se rend compte que la plupart des accidents de circulation ne sont pas dus à la mauvaise conduite ni à l’état d’ivresse, ou encoure à la négligence du chauffeur, mais au mauvais état des routes. Un autre facteur est le contrôle routier. En fait, pour une distance qui sépare deux villes, l’on observe une multitude de poste de contrôle qui doit intercepter le voyage. L’ensemble de tout cela contribue à  ralentir le voyage, augmentant ainsi sa durée. En ce qui concerne la gouvernance dans les pays africains, l’on se rend compte que l’auteur de ce roman soulève un déficit de gouvernance dans le continent africain. Il s’appuie donc sur l’organisation et l’exécution des élections présidentielles qui ont connu d’énormes trucage qui irritent et mettent à mal la population qui, aussitôt, se soulève pour réclamer les meilleures conditions de vote. Ainsi, l’on disait que tout le désordre observé serait arrivé suite à la « proclamation des résultats des élections présidentielles par le comité national de recensement des votes (CONAREV) », P.103. Tout ceci témoigne à suffire que les élections en Afrique ne sont pas libres et transparentes comme le voudraient les principes démocratiques.

Cependant, Matateyou peut être reproché de n’avoir parlé de l’état actuel des routes africaines et de leur entretien que superficiellement. Il s’est seulement attardé sur les différents trafics qui s’opèrent sur ces routes. Or, pour une question relative à la route – et donc au transport – l’on doit également insister sur le mauvais état et le mauvais entretien des routes. Il n’a tout de même pas fait un parallèle entre ces routes telles que tracées par les puissances coloniales et celles d’aujourd’hui, alors qu’elles existent depuis la période coloniale. De ce fait, la question que l’on se pose est celle de savoir si les routes telles que tracées par les colons sont restées intactes jusqu’aujourd’hui. Si oui, comment sont-elles entretenues ? Sinon, quel est leur état aujourd’hui par rapport à hier ?

Gaël FOLEFACK NGOUFACK, Université de Dschang

Emmanuel Matateyou, La mer des roseaux, Teham éditions, Paris, 2014, 196 pages.

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