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  LU POUR VOUS 

31 Jan

  LU POUR VOUS 

 La Tête sous l’eau de Guillaume Nana :

Esthétique de la satire des iniquités sociales dans le théâtre camerounais contemporain

                    L’aisance et le confort de pouvoir respirer de l’air frais, de se mettre à l’abri des frustrations, de l’humiliation quand on a la tête sous l’eau apparait comme la voie salutaire pour asseoir sa dignité, dans une société paralysée, où le mot chômage se traduit par le complexe d’infériorité. C’est en tout cas l’accroche que laisse vivre la pièce de théâtre La Tête Sous L’eau  parue aux éditions Luppepo en 2014 du dramaturge camerounais Guillaume Nana. Cet auteur compte à son actif plusieurs autres productions littéraires dont le roman de 119 pages Le Cri Muet ou L’histoire d’une vie, publié en 2010 aux éditions clés, le recueil Proverbes des Grassfields ou le reflet des mœurs Binam, le récit Grains de poussière publié aux éditions Clé en 2005, André Marie Tala, le verbe et la guitare publié en 2005 chez Proximité. Guillaume Nana est par ailleurs ancien Délégué Régional et Directeur du patrimoine au ministère de la culture.          

Un drame social : le positionnement à tout prix

D’emblée, il ne faut pas confondre l’œuvre dramatique La tête sous l’eau de Guillaume Nana avec le roman    d’Olivier Adam qui porte le même intitulé. Il s’agit en effet, de l’histoire du jeune Lenke, ancien chômeur devenu ministre, « Excellence ». Personnage intrigant et ambitieux, Son Excellence Monsieur le Ministre va offrir en sacrifice sa semence mâle. Initié par son ami et conseiller Jobajo, Lenke adhère volontairement à une loge où il n’hésitera pas à vendre son âme en signant d’entrée de jeu un pacte, gage de sa nomination au poste de ministre. L’auto-flagellation et le mal vivre seront le pain quotidien de son épouse Moga qui ne découvrira ce secret révélateur que le jour de la nomination de son époux, le nouveau ministre. Dans une société africaine traditionnelle, le plus grand désir d’une femme est d’offrir à son époux une progéniture ; ce qui a d’ailleurs fait dire à Ahmadou Kourouma « A une femme qui n’a pas enfanté manque plus que la moitié de la féminité ». La réalité de la stérilité peut-elle être comblée par le luxe qu’offre une vie de ministre ? La quête permanente d’une meilleure place dans la  société vaut-elle d’offrir en pâture son âme ? Est-il possible de vivre heureux dans un monde où les valeurs et les personnes qu’on aime sont mises à l’écart au nom des titres et des honneurs ?  Autant de réflexions  sur les thématiques évoquées dans l’œuvre et illustrées par quelques extraits que voici : «  Dans la vie, chacun crée sa propre nuit. Il suffit parfois de fermer très fort les yeux en pleine journée. », P.46, «  Seul l’initiation permet de passer du plan inférieur au plan supérieur. P.56,  A travers ces extraits, on peut comprendre la détermination poussée de l’actant Lenke prêt à « patauger désormais dur dans cette merde de vie pour décrocher aussi quelque chose ». P.68

                 En mettant à nu les méandres de la société actuelle à savoir le chômage, l’auteur réussit et avec une grande habileté par l’utilisation mesurée du suspense et la maîtrise des flash-back à montrer l’homme dans toute sa nature, son insatiabilité et son égoïsme, maux intarissables de l’humaine condition. Cette valeur heuristique est d’autant plus probante lorsqu’on se rend compte du choix du théâtre par l’auteur comme pour exprimer la satire à travers les répliques de ses personnages, par le dialogue, les didascalies, la variation du ton de la pièce, tantôt joyeux, tendu ou enlevé jusqu’au dénouement de l’action. On aura remarqué la position de l’écrivain dramaturge qui transcende les conventions classiques du théâtre, en utilisant des flash-back et des flash-foward, donnant à son texte une forme dynamique accentuée par une issue fatale de la destinée de certains actants.

               A travers cette fiction présentée, on peut déceler l’intérêt social à travers la mise en texte des thèmes qui gangrènent notre société, à savoir le chômage, le mensonge, les faux amis abordés par l’enseignant de formation  avec une rare fertilité d’esprit. Ajouté à cet apport social remarquable, La Tête Sous L’eau est sans contexte une contribution irréprochable au patrimoine littéraire Camerounais. Cette pièce de théâtre a d’ailleurs été jouée  avec une performance vivante par l’Université de Yaoundé en 2015 sous la direction du Guy Francis Tami Yoba et la même année à la salle Manu Dibango de l’Alliance franco-camerounaise de Dschang sous la direction du professeur Alain Cyr Pangop Kameni.

           En rejoignant Guy Marcelin Tchakou dans Prêtez-moi un enfant, La Tête sous l’eau traite de la question de la souffrance de  ne  pouvoir enfanter, laisse une marque indélébile dans l’esprit de tout lecteur grâce à ses tournures syntaxiques axées sur un suspense qui vous donne envie de tout lire d’un trait, et puisqu’ il s’agit du théâtre, de vivre et de ressentir l’intrigue. Jean Vilar ne soutenait –il pas d’ailleurs à ce propos que « Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin » ?

 Marie Dominique Gnintelap

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