COMPTE RENDU DU WORKSHOP EXPOSITION RECONNECT DU 18 AU 28 FEVRIER 2023 A DSCHANG
Reconnecter les objets les savoirs et/avec les sujets est le thème de l’événement à caractère scientifique et culturel Workshop exposition Reconnect qui s’est tenu dans la ville de Dschang du 18 au 28 février 2023 et qui a réuni des enseignants, chercheurs et universitaires venus des quatre coins du monde. Cet événement abrité par le musée des civilisations et l’Alliance franco-camerounaise de Dschang s’est articulé autour de la question de la préservation de l’identité culturelle africaine locale et de la restitution des objets et restes humains emportés par les puissances coloniales pendant la période de l’esclavage et de la colonisation. Des objets appartenant au Cameroun exposés dans des musées des pays tels que l’Allemagne qui totalise près de 40 000 objets spoliés dans les institutions publics allemandes, 8000 pour la France au musée parisien et l’Angleterre au british Museum avec 1400.
Briser les frontières murales des musées ethnographiques européens et s’imaginer de nouveaux rapports au patrimoine et à l’art dans les communautés locales
L’introduction du festival Reconnect par son coordonnateur le professeur Albert Gouaffo est centrée autour des problématiques suivantes : Comment développer un concept muséographique qui revitalise l’art, la culture et l’histoire dans une perspective de transmission vivante des savoirs ? Comment briser les frontières murales des musées ethnographiques européens et de leur pâle copie héritée de l’Afrique, pour rapprocher le patrimoine retourné ou résilient des populations qui les ont fait naître ? Comment s’imaginer de nouveaux rapports au patrimoine et à l’art dans les communautés dans le futur ?
05 tables rondes ont permis d’étendre ces réflexions, dont les deux premières se sont tenus le 19 février 2023. La première modérée par Alexandre Djimeli de l’Université de Dschang a eu pour thème « Musée et transmission des savoirs patrimoniaux : à qui ? Comment et pourquoi ?» et comme intervenants les professeurs David Simo et Colette Fouellefack Kana respectivement des universités de Yaoundé I et Dschang, Dr. Rachel Mariembé de l’Institut des Beaux-Arts de Nkongsamba, sa majesté René Poundé, prince Babadjou et Sa Majesté Tanefo Jean-Marie, chef supérieur Bamendjinda.
La deuxième table ronde sur le thème « Retour des objets et reconnexions endogènes : Perspectives de Dschang, Dakar, Capetown et Berlin » a eu un panel international sous la modération d’Alain Cyr Pangop Kameni de l’université de Dschang, avec comme intervenants les professeurs Bénédicte Savoy, Ciraj Rassool, Albert Gouaffo, Jules Kouosseu, ainsi que le docteur Malick Ndiaye, respectivement des universités Technique de Berlin, Western Cape, Dschang et Cheick Anta Diop.
La date du 20 février a connu la troisième table ronde placée sous le thème : « La création artistique contemporaine : entre reconnexion, transmission et valorisation des savoirs ». Modérée par Dr. Rodrigue Ateufack de l’Université de Dschang, elle avait comme intervenants des artistes plasticiens, photographes, designer, performeur et slameur, notamment Hervé Youmbi, Emile Youmbi, Marios Kenfack, Inès Kendjio, Sidoine Yonta, Stevie Douanla, André Takou Saa et Majesté Atemkem.
Sur le thème « Musée, reconnexion et transmission du patrimoine culturel : my view », la quatrième table ronde du 21 Février 2023 modérée par le professeur Alexandre Defo Tene de l’Université de Buea a eu pour intervenants les docteurs Lucie Mbogni Nankeng, Rossila Goussanou, Lennon Chido Mhishi, Sophie Schasiepen, Lotte Arndt respectivement des universités de Dschang, Cheick Anta Diop, Western Cape et Technique de Berlin.
La cinquième table ronde tenue le 23 Février autour du thème « Les patrimoines locaux en restitution, préservation et transmission » a eu comme participants les docteurs Diderot Djialla Mellie et Brice Tsangué de l’université de Dschang, mesdames Assiatou Tidjani, Sandrine Kojo et Linda Massado doctorantes de l’université de Dschang et Daneri Habsatou de l’université de Douala. Cette séance était modérée par le professeur Tandia Mouaffou de l’Université de Dschang.
Partant de l’approche conceptuelle du musée à ses mutations dans le temps, les échanges ont permis de souligner la question du patrimoine matériel et immatériel qui devrait être inventorié. Les problèmes auxquels font face les musées, ainsi que ses publics ne sont pas en reste ; questionner la place de l’institution muséale dans la société actuelle donne de penser les stratégies nouvelles de muséologie et de muséographie. A cet effet, le rôle des chefs traditionnels s’annonce incontournable dans le processus de rapprochement du musée des populations locales. Le processus de restitution faisant partie intégrante de la reconnexion, il est important d’envisager ce processus non pas comme un simple rapatriement, mais comme le propose Ciraj Rassool « Turn the giving Project of Restitution into taking, demanding Project » ; car la restitution étant un long processus. Il faut dès lors faire attention à la façon dont elle se présente aux Africains. Ceci amène à être attentif sur l’état des objets détenus en Europe qui sont traités avec des produits chimiques et qui dégagent aujourd’hui une certaine toxicité à prendre en compte dans le processus de restitution.
Au total, les différentes tables rondes ont permis tour à tour de tabler sur la thématique centrale « Reconnecter les objets, les savoirs et/avec les sujets » qui ne consiste pas à retourner dans le passé, mais envisager le présent en faisant une mise à jour des valeurs perdues. La création artistique envisagée comme un moyen de transmission garantit la pérennité et la valorisation des savoirs et avoirs patrimoniaux de façon intergénérationnelle. Le but de la conception des musées est la conservation du patrimoine culturel, mais fort est de constater la triste intention des propriétaires qui attendent plus des financements européens que l’instruction culturelle historique des populations locales ; on note de ce fait l’inhospitalité de certains musées qui au lieu d’être ouverts au public sont entourés de fils barbelés, le cas du musée des civilisations de Dschang.
Reconnect : un moment de communion pour la Menoua en particulier et l’ouest en général
Reconnect a été l’instance de valorisation et de visite des lieux de mémoire et lieux patrimoniaux dans la région de l’Ouest. On note la visite d’un lieu patrimonial important, la chute Mepibwa à Bangang et du village des artisans de Balena, la visite du musée royal de Foumban, la visite de la chefferie Foto, de la chute de la Métchée et du musée plein air de Batoufam.
Reconnect Workshop Exposition était aussi le lieu de la mise en avant des talents locaux, des artistes peintres, plasticiens photographes, designer et performeurs dont les productions et les réalisations ont ponctué le festival avec une grande dextérité sans oublier la projection du film documentaire Nola’ah : la reconnexion et transmission vivante au-delà des musées ; l’exemple des gardiens des traditions du Tchad, la performance du conteur contant content, Free Africa de Mysthik, ou encore je viens de loin de Hector Flandrin sont autant de moments forts de reconnexion à nos valeurs africaines. Les enfants ont eu l’opportunité de se familiariser à l’artisanat et au travail d’accessoiristes dans un cadre d’exposition enjoué, sous l’encadrement d’artisans et accessoiristes soucieux de la transmission intergénérationnelle.
Les soirées après tables rondes étaient des moments de consommation des plaisirs locaux avec des soirs autour du feu et les spectacles plein air telle la performance du sanzaphoniste Papa Sanza , la danse patrimoniale Kana’a. Toute cette ambiance en présence d’un public qui ne demandait qu’à jouir de la convivialité, de la fraternité et des commentaires nourris sur leur réception de ce festival qu’il souhaite continuellement revivre.
Marie Dominique Gnintelap, Université de Dschang
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