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De l’instrumentalisation politique de la lutte anti-Corona virus

27 Juil

De l’instrumentalisation politique de la lutte anti-Corona virus

Depuis l’apparition de la Pandémie planétaire liée au Coronavirus, les acteurs politiques sont entrés en scène, livrant parfois des batailles sans complaisance dont l’enjeu est de mieux se positionner et assoir leur notoriété auprès des populations. Prenant pour contexte d’étude le Cameroun,  nous nous proposons d’analyser les multiples instrumentalisations récupérées par les acteurs politiques, liées à la lutte de cette Pandémie qui continue de créer la psychose auprès des populations. Nous développerons tour à tour l’utilitarisme des actions des politiciens à travers le covid-19 et verrons si ce sont des actes subordonnés aux “récupérations ”,   c’est-à-dire des actes animés par des enjeux non posés.

I-DES ACTIONS UTILITAIRES

La politique au-delà de toutes les définitions qu’on peut l’allouer, est, selon la conception socratique, l’art,  pour ne pas dire une stratégie de gestion de la société en vue de son bien-être. Cependant, la pratique de cet art est, qu’on le veuille ou pas, subordonnée à certaines exigences très peu catholiques, surtout quand l’enjeu est énorme. La lutte contre le Coronavirus a laissé voir plusieurs acteurs à l’œuvre, avec des actions somme toute utilitaires auprès des populations.

  1. La solidarité gouvernementale

La pandémie du Coronavirus a depuis son apparition en Chine en fin 2019, permis de montrer aux yeux du monde non seulement sa vanité, mais aussi sa “faiblesse”. D’aucuns ont parlé des revers de l’égocentrisme, du libertisme, du « jemenfoutisme » ou du « permissivisme » de l’Homme qui veut, selon l’expression de Paul Romset, « jouer à Dieu ». En même temps, elle a aussi jusqu’à présent, permis à certains de montrer leur élan de solidarité, de magnanimité et d’humanisme, tant au niveau étatique que citoyen.  Au Cameroun par exemple, depuis le premier cas découvert, on a vu au premier chef le Gouvernement prendre des multiples mesures dans le but de stopper la propagation du virus, même si l’efficacité ou la faisabilité de ces mesures restent jusqu’à présent sujets à débats ou perfectibles. L’Etat dans son rôle régalien de protection des populations se positionne ainsi comme le véritable protecteur des habitants grâce au pouvoir à lui confié par ces derniers. On a vu, dans ce sens, des mesures édictées par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, sous très haute instruction du Chef de l’Etat, allant dans le sens de “ sauver le peuple en danger”.  En fonction de l’évolution de la maladie, des mesures ont été édictées par le Gouvernement dans le but de contenir la pandémie dont l’évolution. Ces mesures étaient cependant très critiquées par les acteurs politiques et civils.

Au-delà de ces mesures, le Chef de l’Etat a ouvert un compte faisant appel à la générosité nationale, l’ayant doté lui-même d’un montant d’un milliards de francs CFA. Beaucoup d’acteurs politiques y ont contribué à hauteur de centaines de millions, dans l’objectif d’aider ce gouvernant à lutter contre la pandémie. Toujours dans la même lancée, le Chef de l’Etat, « dans son immense magnanimité », a selon le communiqué du Secrétaire Général à la Primature, fait un don aux Camerounais d’une valeur de deux milliards destiné à acheter des nécessaires pour toutes les 360 Communes du Cameroun. Cependant, les débats sur les réseaux sociaux, les chaînes privées et publiques font davantage douter de l’origine des fonds. On a de la peine à savoir si c’est le “ don personnel” du citoyen Paul Biya ou l’argent des caisses de l’Etat déployé par le Chef de l’Etat.

En outre, la Coopération Internationale avec les Grandes Institutions a donné raison au Cameroun, avec un prêt direct de plus de 100 milliards venant du Fond Monétaire International pour la même cause. Sans compter la production des masques barrières par CICAM, entreprise gouvernementale, pour un montant de 1.300 frs  CFA l’unité. En gros, on voit bien que le Gouvernement reste l’acteur majeur dans la lutte contre cette pandémie au Cameroun. Mais n’empêche que d’autres acteurs puissent intervenir.

2. Les autres acteurs en jeu

Au-delà de L’État, la pandémie a occasionné une mobilisation tous azimuts des multiples acteurs sociaux. Pour le Cameroun, les Partis Politiques et la Société Civile n’étaient pas du reste.

Au-delà des milliers de cas guéris grâce à la prise en charge gouvernementale, le clergé catholique a fait valoir son talent avec une solution curative mise sur pieds par l’Archevêque Samuel Kleda qui, jusqu’ici n’a pas encore rencontré “un échec thérapeutique”, s’il faut citer la sœur Dr. Tamekem Marie-Noëlle, Directrice de l’Hôpital Saint Albert le Grand de Bonabéri à Douala.   Pour soutenir l’Archevêque dans cette lancée, le PDG du groupe L’Anecdote a offert au clergé catholique une enveloppe de 50 millions de francs CFA pour appuyer cette lutte anti-covid19.

Entre temps, les partis politiques sont entrés en jeu. En première ligne, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) du professeur Maurice Kamto. Avec l’initiative “survie Cameroun Survival Initiative (SESI)”, le Professeur Kamto a ouvert un compte bancaire faisant appel à la générosité publique, question de faire une mobilisation globale des Camerounais de tous bords dans l’objectif de barrer la voie à la maladie. Une contribution personnelle du Leader de cette initiative, à hauteur de 100 millions a permis d’acheter les masques barrières par milliers, les kits de protection, des tests rapides. Que ce soit du côté gouvernemental, de la société civile ou de la classe politique, toutes les actions ont pour objectif la lutte contre la pandémie. Mais cette lutte ne va pas sans enjeux, chaque acteur ayant besoin de la récupération, voire de l’instrumentalisation.

II) Des actions utilitaires instrumentalisées

Nous venons de dérouler le chapelet d’un ensemble d’actions utilitaires faites par la classe politique et civile camerounaises dans la lutte anti-coronavirus. Force est cependant de constater qu’en politique, aucun acte, aucun fait n’est innocent. Tout agissement politicien est sous-tendu par une récupération, voire une instrumentalisation. Le don est toujours subordonné à un  “ contre – don”. La lutte anti-coronavirus se voit substituée en lutte de positionnement politique, parfois au mépris même de la loyauté.

Tous les actes posés par les politiciens permettent non seulement de le rapprocher des populations, mais aussi pourront être récupérés et valorisés aux prochaines échéances électorales. L’objectif étant davantage de se faire une visibilité politique et bien se faire connaître du public. Les politiciens profitent donc pour investir la scène publique, munis de quelques dons aux populations. On verra bien des acteurs politiques qui n’ont jamais pu se faire un projet de société bien ficelé, concentrer tous les micro-projets sur la Covid-19. C’est dire que les dons vont remplacer les projets politiques. Dans un contexte nimbé par une inculture politique criarde des populations, les acteurs politiques en panne de programme de société fiable vont se positionner comme de véritables fers de lance anti-coronavirus, question de montrer aux populations leur détermination dans leur protection, à travers quelques dons. 

Du côté gouvernemental, on va voir les relents d’un hyper protectionnisme des populations. Les commandants et gendarmes vont faire de cela leur business. D’abord toutes les mesures barrières seront prises et l’Etat déploiera tout son “muscle” (Expression chère au Ministre de l’Administration territoriale du Cameroun) pour veiller au strict respect des mesures gouvernementales, question de montrer aux populations son rôle protecteur et sa détermination à assurer sa santé. L’Etat va aussi se positionner comme garant du respect des institutions, des lois et règlements en vigueur, question de dire à l’opinion nationale et internationale sa légalité et la légitimité des lois.  Cela à travers les refus systématiques de tout acte – fût-il humanitaire – posé par les politiciens au détriment du respect de la loi en vigueur. Le don du Chef de l’Etat, traduit son “immense magnanimité” et «marqué du sceau de la souveraineté» envers ses populations, question d’asseoir  davantage sa légitimité et son soutien à la population. Que ce soit au Minsanté, le Minat, le Mincom, bref tous les instruments et institutions étatiques, toutes les actions ont pour objectif (ce qui devrait être une simple norme), de se positionner comme véritable acteur dans la lutte anti-coronavirus et affirmer sa “loi de monopole” (Ellias), montrer à l’opinion qu’on tient le taureau par les cornes.  L’offre du Chef de l’État, considérée par le Minat comme “ du jamais vu” met davantage l’emphase sur le fait que la santé des populations constitue la principale préoccupation de son leader légal et par ricochet, un appel à un son soutien global.

Du côté de l’opposition les actions sont pléthoriques, dans son rôle  traditionnel qui consiste à montrer les limites et insuffisances du gouvernement. Le leader du MRC va par exemple lancer une initiative pour la “survie ” des Camerounais. “ Survie” justement parce que, à son sens, les Camerounais au regard de leur précarité vivent de l’informel. En l’absence d’une politique gouvernementale de prévision,  de l’incapacité du gouvernement à assurer la vie des Camerounais avec des mesures fiables, ce leader estime que les Camerounais ne vivent pas au sens propre du terme. Les multiples sorties et prises de parole du leader déchu au précédent scrutin présidentiel, en l’absence de la présence effective et au premier plan du Capitain du Bateau camerounais pour les rassurer, ont pour objectif de montrer aux yeux des populations qu’il est à leur chevet et est “légitime”. Il est ainsi « Président élu », comme il le clame tous les jours depuis octobre 2019. On a envie de relire l’ouvrage Cameroun: Qui Gouverne ? de Pierre Flambeau Ngayap au moment où les chroniques sur la “recherche” du président fusent de partout sur les réseaux sociaux. Le refus, voire le rejet des dons issus de cette initiative par le Gouvernement, jugé par une certaine opinion comme antirépublicain, satanique, cruelle, permet à l’Etat de se positionner comme seul acteur principal jouant son rôle de faire respecter les lois républicaines. Par contre pour son initiateur, il s’agit de montrer que c’est une initiative née d’une nécessité urgente de “ sauver” les Camerounais dont le Chef “déserteur” n’y peut rien, nécessité faisant loi. C’est pourquoi, estime-t-il, chaque Camerounais doit  « prendre son destin en main ».

Cependant, le soutien ou pas à cette initiative peut trahir  l’approbation ou non à l’initiative, question de se  positionner, voire assurer sa visibilité politique sur la scène publique, en se greffant ou pas à ce parti politique qui fait l’objet de tous les tapages médiatiques au Cameroun actuellement. Ainsi, on verra Paul Eric Kingue, déclarer « Survie Cameroun est une association illégale et s’ils arrivent à Djombé-Penja avec leurs dons, je les ferai embastiller », sur les antennes d’ABK Radio. Cette sortie du Maire de Djombé -Pendja, peut soit trahir sa « peur » de voir son électorat chouchouter par son ancien partenaire à la présidentielle passée, le “ pape du droit” selon son expression, pouvant devenir son véritable adversaire dans son fief électoral. Cela peut aussi montrer son “ ralliement” au parti au pouvoir, quand on sait comment les élections présidentielles se sont soldées pour le Directeur de Campagne du MRC qu’était Paul Eric Kingue.  Par contre, Monsieur Jacques Maboula Mbaya, ancien Maire de Yabassi et président du parti Politique “Alliance Républicaine” dénonce l’injustice dont est victime “Survie Cameroun”. En offrant 50.000Francs CFA, il précise : « Le mal ne prospère que là où les hommes de bien choisissent d’observer le silence et l’indifférence face aux souffrances et peines de leurs semblables ; le courage c’est vaincre sa peur ; nous devons tous, sans exception, soutenir cette initiative patriotique qui apportera un grand plus à l’action gouvernementale, car le gouvernement ne saurait ni ne pourrait seul répondre au devoir de solidarité nationale en temps de crise » Il en est de même pour l’Adjoint au Maire, Chef Traditionnel et Président de parti Politique Célestin Bedzigui, très critiqué pour avoir accepté les dons de cette initiative, même s’il va se défendre à dire que c’est à titre de Président de parti Politique qu’il le fait. L’enjeu étant aussi et surtout de montrer à son électorat son sens d’humanisme pour des populations qui n’ont pas la possibilité de s’octroyer un gel hydro alcoolique. La position gouvernementale étant d’exprimer sa suprématie,  comme pour dire, “ si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi”, l’Etat ayant tous les moyens de sa politique.

Toutefois, le refus de ces dons et l’arrestation de ses humanitaires dans la distribution des dons aura fait mouche, au moment où le président de la République parle de «l’union sacrée» pour la lutte contre la pandémie : au niveau des corps médicaux en panne de combinaison de protection et qui perdent leurs vies ; dans le milieu carcéral ; auprès des populations qui ne demandent qu’à vivre et non à être victime des luttes de positionnement politique, de bras de fer entre l’Etat et les partis politiques.

 Ilaria Allegori de Humans Rights Watch reconnaît d’ailleurs dans un tweet : « Distribuer des masques gratuits à ceux qui en ont besoin n’est  pas un signe de rébellion et ne devrait pas conduire à des incarcérations. Les autorités semblent d’avantage soucieuses de vaincre l’opposition que de protéger la santé publique ». Une position qui ne réconforte pas le gouvernement, au regard des accusations démenties du MINAT face au rapport de HRW suite aux assassinats de Ngarbu.

Des dons sous fond de corruption et de détournements ?                     

Dans son article : intitulé « Le don dans le jeu électoral au Cameroun », le Professeur Antoine Socpa rappel la célèbre boutade selon laquelle « politic na djangui ». C’est connu de tous, s’il y a un secteur où le Cameroun occupe les meilleurs places, c’est la corruption et les détournements des biens publics.  Pour ne plus revenir sur la polémique autour du “ don personnel du Chef de l’État” dans la lutte anti –corona dans les 360 Communes, on peut  cependant s’interroger sur la redistribution auprès des populations. Une certaine opinion soutien que ces dons perdent la valeur en fonction du nombre de kilomètre parcourus. Si ce ne sont pas les sceaux à béton en lieu et place des vrais ustensiles appropriés, ça sera un matériel totalement insignifiant pour les populations. Par exemple, les populations de Bahouan de l’Ouest Cameroun, très remontés par le don du Chef de l’État, vont abandonner les deux sacs de riz et le carton de savon qui leur a été offert dans le cadre de la lutte anti-coronavirus. Cet état de chose rappel l’affaire des moustiquaires Imprégnées à longue durée (Milda), quand on découvrait d’importantes quantités de moustiquaires chez ces personnels médicaux chargés de la distribution  pour lutter contre le paludisme. Tout comme ces détracteurs de l’initiative «Survie Cameroun» demandent une traçabilité de gestion des fonds versés, les détracteurs du régime s’insurgent contre celle de fond de solidarité du Président : toute chose qui montrent davantage la suspicion qu’ont les camerounais de la gestion par leurs leaders.

Des douleurs multiformes

En outre, on assiste de plus en plus à la “ lutte” d’obtention des corps retenus par les autorités dans les hôpitaux publics comme privés par les familles éprouvées, corps jugés par les autorités comme victimes du Covid-19, pourtant les familles clament le contraire des choses.  La conséquence est qu’aujourd’hui, les camerounais refusent de se rendre à l’Hôpital de peur d’être “ déclaré malade du Covid-19” à cause d’une simple grippe. Les pharmacies sont devenues des lieux de ravitaillement et les chambres privées deviennent des lits d’hôpitaux. Selon des  opinions, les subventions internationales ou de l’ONU aux pays touchés par la crise sont subordonnées au niveau d’évolution de la maladie voire du nombre de décès. Ainsi, l’État aurait l’avantage de “ gonfler” le taux de mortalité pour avoir une subvention conséquente. Le résultat est qu’au-delà de la douleur  affective, la famille éprouvée doit aussi subir la douleur financière puisqu’elle doit trouver d’énormes sommes pour avoir une place au cimetière et y garder leurs corps avec toutes les conséquences que cela pourra engendrer sur le plan culturel.

Au niveau même du village, les Présidents des Comités de Développement vont débloquer des sommes colossales soit disant pour barrer la route à la maladie, sans aucune traçabilité. Les Présidents d’APEE (Association des Parents d’Elèves et Enseignants) dans les Lycées et Collèges vont retarder, voire ne pas payer certains émargements dans le but de mieux profiter de ces sommes budgétisées.  La “guerre des chiffres” sur le nombre d’atteints et de guéris continue à faire polémique quant on ne sait pas clairement la potion magique du Gouvernement pour guérir les populations, même si la communication sur le nombre de guéris est une forme de thérapie psychologique. Les grosses voitures de luxe offert en lieu et place des ambulances médicalisées font l’objet des curiosités, tout comme la levée du confinement avec l’ouverture des bars jusqu’aux heures indues, avec paradoxalement l’annulation de la Fête du Travail 1er Mai, de la Fête de l’Unité Nationale le 20 du même mois et la reprise des cours 10 jours après, alors que la contamination est exponentielle.

Tout compte fait, en politique “blanc bonnet, bonnet blanc”. Kourouma ne dira jamais assez : « En politique, le vrai et le faux portent le même pagne. Le mensonge et la vérité dorment sur le même lit ». On aura compris, l’instrumentalisation de la lutte anti-corona est sous tendue par de multiples enjeux de positionnement politique. La suite renseignera davantage.

Elie TAMEKEM

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