ENTRE SEXE, AMOUR ET MAGIE NOIRE: Une lecture de Welcome dans mon kwatt de DJHAMIDI BOND
Paru chez Afribook simultanément avec la pièce de théâtre intitulée Nlongndjel, Welcome dans mon kwatt est le troisième livre de Djhamidi Bond après ses romans Amour et préjugés et 8 clos.
Welcome dans mon kwatt est un recueil de dix nouvelles digestes et relativement courtes qui s’étendent le long de 128 pages. Ce titre de seulement quatre mots est écrit en trois différentes langues : l’anglais, le français et le camfranglais. Exposé du quotidien de la jeunesse et de ses blessures, ce chapelet de dix perles est de ceux qu’on égraine partagé entre le rire, la pitié et l’effroi, en réprimant à la fin un sentiment d’inachevé entre sexe, amour et magie noire.
Le recueil s’ouvre sur le sexe, avec la nouvelle qui porte son intitulé. Écrite en camfranglais, elle raconte la petite histoire d’une joyeuse bande d’apprenti-sorciers qui, pour se venger du sugar daddy qui a la primeur des faveurs de toutes les mineures du quartier, va détourner sa seule fille pourtant très bien gardée, pour la soumettre au « rallye ». Dans la sixième nouvelle titrée « D’un bout ou de l’autre », l’auteure aborde les questions de bisexualité en narrant le quotidien de Sasha, un hermaphrodite qui finit par s’accepter afin de profiter de la vie. Par ailleurs, dans les trois nouvelles qui closent le recueil, Djhamidi nous décrit avec une subtilité et une pudeur dont elle seule a le secret, des parties de jambes en l’air qu’on pourrait assimiler au viol. On y découvre une jeunesse qui glande et qui ne jure que par le sexe, le considérant tantôt comme un trophée, tantôt comme un moyen d’exister quand l’amour nous a tournés le dos.
Mais de l’amour, du grand amour, la nouvelliste en parle aussi, peut-être convaincue que ça existe. Dans des nouvelles comme « L’amour plus fort que tout ! », « Pour l’amour de Maria », « Un cœur sous la djellaba » ou encore « Chasseur de nuit », on découvre des personnes qui aiment jusqu’au sacrifice suprême. Des gangsters prêts à changer pour l’amour d’une femme aux femmes qui donnent leur vie pour que survive leur bien-aimé en passant par des âmes généreuses qui donnent sans rien attendre en retour, l’amour nous est servis à toutes les sauces. Et on en arrive à y croire au point d’en rêver, rien qu’en lisant, croire que l’amour existe, croire que l’amour peut survivre à tout, croire que l’amour peut vaincre le mal.
Toutefois, le mal existe, et en arrive souvent à venir à bout de l’amour. Welcome dans mon kwatt est aussile lieu pour dénoncer, dénoncer ces faux hommes de Dieu qui endoctrinent les parents pour voler l’innocence de leurs enfants filles comme garçons, dénoncer ces jeunes avides du gain facile qui tuent et vendent leurs semblables comme du bétail, dénoncer tous ces êtres plus animaux qu’humains qui arrivent à trouver du plaisir dans un acte sexuel non consensuel et qui ne sont même pas foutus d’en assumer les conséquences.
Welcome dans mon kwatt s’adresse aux parents, mais surtout aux jeunes. Djhamidi Bond y décrit une société effrayante mais pourtant celle dans laquelle on vit. On se demande bien pourquoi l’auteure n’a pas écrit le recueil tout entier en camfranglais, cette adaptation locale encore plus plaisante à lire qu’à parler. Cette façon qu’a Djhamidi de mettre en branle l’imagination du lecteur pour compléter l’histoire est à la fois fascinant et enrageant. Le style de Welcome dans mon kwatt est juste la preuve qu’il n’y a rien de plus beau que ce qui est simple.
Kelly Yemdji
DJHAMIDI BOND, Welcome dans mon kwatt, Cameroun, Éd. Afribook, 2019, 128 p.