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Les fondements d’une dynamique endogène du développement territorial

29 Mar

Les fondements d’une dynamique endogène du développement territorial

Le développement est dit « endogène » ou « autocentré » lorsqu’il est question d’une approche territoriale fondée sur la croissance à l’échelle de l’économie régionale (voir Aydalot, 1985). Il s’agit d’un paradigme de développement qui part du bas (« from below ») par opposition au paradigme classique de développement fonctionnel partant du haut (« up down »). Cette vision estime que le développement ne peut se décréter du dehors, il doit être le fruit de la participation active de l’ensemble de la population. Le développement n’est plus quantitatif, mais participatif, c’est-à-dire en relation avec les besoins de la population. Son credo est l’inscription territoriale des besoins fondamentaux (« basic needs »), l’appartenance communautaire et la tendance démocratique. Il revient, de ce point de vue, à la communauté de décider de l’usage des ressources, en faisant du territoire la source du développement. On parle alors d’agropole, c’est-à-dire la confiance en le potentiel managérial dont dispose un peuple à pouvoir assurer son progrès dans la direction qu’il s’est lui-même choisi[i]. Elle peut s’accompagner éventuellement d’une économie souterraine, c’est-à-dire qu’une fraction croissante de l’activité économique se réalise en marge des normes habituelles et du contrôle de l’Etat et des grandes organisations. Ce secteur dit informel, relève d’initiatives purement individuelles[ii]. Les études montrent qu’acheter à une entreprise ou à un commerçant local profite à l’économie locale (l’argent dépensé circule plus longtemps sur le territoire et participe à pérenniser et assurer l’économie locale). Et l’actualité démontre qu’une région dépendant d’une seule ou d’un petit nombre d’industries est souvent une région en sursis. Par ailleurs, de nombreuses opportunités existent pour développer une économie locale vivante, en réponse aux besoins et préoccupations (écologie, traçabilité, production éthique, emploi local, etc.) de secteurs croissants de la population et de l’économie locale (circuits courts, substitutions aux importations, filières locales, démarche de progrès, etc.). Le réseau d’entreprise pour une économie locale et durable développe une alliance locale visant à redonner vie à des économies moins dépendantes d’une mondialisation dont nous percevons mieux aujourd’hui les excès et dangers. A travers une relocalisation des activités économiques, l’économie locale participe au maintien local du pouvoir économique des territoires, renforce leur attractivité économique et contribue à réduire les flux de transports des marchandises et des personnes.

Les composantes et les vertus du développement endogène

Bien implémenté, le développement endogène débouche sur le développement intégré, c’est-à-dire le contrôle local de la vie économique. On doit ici promouvoir un développement global, en articulant dans une dynamique d’ensemble, les aspects sociaux, culturels, techniques, agricoles et industriels, au lieu de mettre l’accent sur le développement de spécialisations de pointe. Le développement endogène demande souplesse, par opposition à la rigidité des formes d’organisation classiques. Il incarne l’idée d’une économie flexible, alternative à l’économie des grandes unités et capable de s’adapter à des données changeantes. Son effet politique est d’abord la réduction de la dépendance de la région à son environnement extérieur, en recentrant le développement sur sa propre communauté. Quel est le meilleur usage possible des ressources naturelles de la zone ? Comment protéger l’environnement impliquant des initiatives orientées autour de la localité ? Dans la mise œuvre, comment relativiser l’intervention de l’Etat, la rendre juste permissive, puisque l’initiative doit venir de la population ? La réponse à ces questions liées au développement endogène requiert :

  1. Une large décentralisation du système bancaire, la promotion d’institutions de financement à compétence locale ; il s’agit d’améliorer le financement du risque et l’offre de capital risque pour accompagner le renouvellement économique et l’émergence de nouvelles activités.
  2.  Le développement de l’identité régionale, des valeurs locales, communautaires et culturelles, car la créativité est toujours enracinée dans l’expérience et la tradition. Il s’agit de privilégier la variété des cultures locales, des statuts sociaux, des techniques, des goûts, des produits par opposition à l’uniformité.
  3. Développer une agriculture diversifiée et durable qui permettra de réduire la dépendance vis-à-vis de l’extérieur et de créer des emplois ; Les pouvoirs publics doivent donc veiller à la création d’un environnement général favorable à la diffusion de l’innovation, en encourageant notamment la coopération horizontale entre acteurs économiques (entreprises et centres de recherche) situés dans une même zone plutôt que seulement l’intégration verticale dans le cadre d’une filière.
  4.  Arrêter le gaspillage des ressources naturelles afin de soutenir les initiatives pour l’adaptation et le développement de la production industrielle et de l’offre de services.
  5. Subordonner les grands projets gouvernementaux à grande échelle à des secteurs régressifs, en protégeant et en valorisant les innovations découlant du génie national.
  6. Mettre en place et utiliser les énergies renouvelables sur les sites de production et de distribution.
  7. Favoriser la récupération et le recyclage des déchets produits, et examiner les avantages que pourraient apporter l’écologie industrielle pour chacune les entreprises existantes et certainement pour de nouvelles industries à créer.
  8. Amener la population à décider et à contrôler l’évolution de ses activités.
  9. Participer à des réseaux nationaux et internationaux[iii] 

Loin d’être une autarcie, le développement endogène est la condition sine qua non à toute politique de développement touristique. Dans les localisations décentralisées, on pourra observer une augmentation de l’emploi, des innovations techniques et technologiques fondées sur le « learning local », des produits agricoles et industriels nouveaux, une croissance de la capacité exportatrice. A terme, le processus d’autonomisation débouchera sur l’autosuffisance, l’autofinancement, l’autogouvernement. Sans nécessairement disparaître, le gouvernement central aura alors pour rôle de protéger, d’aider, de conseiller, de réguler ; ceci par des mesures spécifiques pour promouvoir l’esprit d’entreprise et soutenir la croissance des entreprises existantes, en adaptant l’offre de services de conseil ou de soutien aux besoins locaux ou régionaux.


[i] Cette approche agropolitaine du développement suppose qu’il revient à la communauté de garantir la couverture des besoins essentiels, dès lors qu’il y a l’égalisation de l’accès aux bases du pouvoir fiscal. On pense ici à la capacité de nourrir, loger, vêtir, éduquer, employer toute la population et non pas uniquement celle d’accroître le chiffre du revenu monétaire moyen. La logique n’est plus celle d’une demande externe à la communauté pour définir la croissance, mais des besoins internes du territoire considéré. En refusant les grandes unités et les centres de décision dominants, la petite échelle devient de rigueur.

[ii] Le concept de secteur informel ou non structuré est apparu au début des années 70 avec le lancement du Programme Mondial de l’Emploi par le B.I.T. et la publication d’un rapport sur le Kenya publié en 1972. Ce rapport faisait prendre conscience que l’exode rural et la croissance urbaine qui en résultait ne se traduisaient pas par l’existence d’un taux élevé de chômage, mais par le développement de petites activités permettant aux individus n’ayant pu avoir accès aux emplois du secteur moderne, de vivre et de survivre (Charmes, 1990). Compte tenu de la complexité du phénomène, il est souvent pris une définition multicritères pour le décrire. La plus connue est celle du rapport sur le Kenya qui met en avant les facteurs suivants : la facilité d’entrée, la concurrence non réglementée sur les marchés, l’utilisation de ressources locales, la petite échelle des activités, ou encore la formation acquise en dehors du système scolaire (Turnham, 1990). Il s’agit d’un marché d’échange des biens et services où l’ajustement entre offre et demande se fait très fortement par le prix (Boyabé, 1999). C’est une réalité qui suscite de nombreux débats et polémiques. Pendant longtemps, une majorité d’économistes ont préconisé de lutter contre les activités informelles, le progrès ne pouvant selon eux venir que de la résorption de cette poche de sous-emploi. Le reconnaître, c’est aussi reconnaître l’échec des Etats. Aujourd’hui, la tendance dominante au niveau économique est celle du ’moins d’Etat’. L’opinion s’inverse alors et ces activités qui s’épanouissent loin de l’interventionnisme de l’Etat apparaissent comme une solution au développement dans les pays pauvres. Ainsi, même s’il met en cause l’équilibre de l’économie officielle, le secteur informel se développe de manière considérable. Sa souplesse, un coût de gestion bien moindre, une complète autonomie vis-à-vis des organes de gestion centralisée concourent à expliquer ceci sinon le justifier.

[iii] Il consiste à faire appel à de nouveaux facteurs de croissance (la connaissance, la confiance, la coopération en réseau, l’investissement en organisation) ou à combiner différemment les anciens facteurs (la terre, le capital, le travail), à découvrir les potentialités cachées d’une zone et à les transformer en atouts économiques en mettant en valeur la singularité de la zone. La proximité géographique acquiert une importance particulière, car elle conditionne la possibilité d’interaction physique entre les personnes, interaction primordiale pour établir et maintenir la qualité de ces facteurs invisibles. L’échelle pertinente d’action et d’analyse devient donc le niveau infrarégional.

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