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Lire Munyal de Djaïli Amadou Amal et comprendre la femme du Sahel

10 Nov

Lire Munyal de Djaïli Amadou Amal et comprendre la femme du Sahel

Djaïli Amadou Amal, Munyal Les larmes de la patience, Proximité, Yaoundé, 2021. Inscrit au programme du secondaire cette année 2021, le dernier roman de la romancière Djaili Amadou Amal est une chronique de la vie quotidienne des femmes musulmanes dans le Sahel camerounais. Compte rendu de lecture.

Le roman relate les histoires de Ramla, Hindou et Safira. Elle est une jeune fille qui rêve de devenir pharmacienne. L’environnement islamique dans lequel elle évolue ne lui laisse pas le choix. On lui réserve un autre destin : le mariage. Elle est parvenue en classe de Terminale dans une famille où la fratrie traversait à peine le seuil du secondaire, fille comme garçon. Téméraire, elle a passé le temps à rejeter les propositions de mariage qui lui venaient de toute part vu sa beauté légendaire. Sa mère l’aimant beaucoup a fait d’elle son étoile avec laquelle elle brille devant les coépouses. Elles habitent une concession où s’agglutinent une grande famille constituée de la famille d’Aladji Boubakari, le père de Ramla, et celles des frères et oncles de Ramla Hayatou et Oumarou. Elle tombe enfin amoureuse d’un ami à son frère qui n’hésite pas à venir demander sa main à son père. Ramla est contente de pouvoir enfin épouser un homme qu’elle a choisi. Aminou est un jeune étudiant à Tunis, avec lui elle pourra accomplir ses rêves : devenir une femme pharmacienne en poursuivant ses études au supérieur. Coup de théâtre. Son père va la donner à un très riche homme d’affaires de la ville de Maroua, Issa Aladji.

Ramla et Aminou ont beau pleuré, ont beau fait des requêtes aux parents, rien n’y fait ; la messe est dite. Lot de consolation, on propose à Aminou de choisir une autre fille dans la concession. Il n’en veut pas. Tout tourne presqu’à l’émeute entre les amis d’Aminou aux prises avec les parents, le frère de Ramla se retrouve en cellule suite à son soutien à son jeune ami. Ramla doit aller en mariage avec sa demi sœur Hindou. Elle n’a pas autant mauvaise fortune comme sa sœur qui doit épouser son cousin Moubarak, un voyou en puissance. Le roman s’ouvre sur les cérémonies de mariage où leurs familles leur prodiguent les derniers conseils avant de les envoyer en mariage. Issa Aladji a remis beaucoup d’argent, du bétail à sa belle-famille en guise de dot. Ramla sous l’impulsion de sa mère subit des traitements des marabouts pour la protéger de toute attaque de sa coépouse, seule épouse à Issa depuis très longtemps. Elle est suivie par une tchadienne qu’on a fait venir pour lui faire des soins à la maison sur son corps. Les deux sœurs, d’habitude séparées du fait de la concurrence dans la polygamie, trouvent dans cette épreuve de disette commune matière à amitié.

A propos de Hindou.

Le couple de Hindou ne lui réussit pas. Annonçant la couleur, Moubarak met à exécution ce que tout le monde savait de lui. Il la viole pendant la nuit de noces, et cela n’a pas l’air d’émouvoir l’entourage. Elle s’en sort avec un séjour à l’hôpital où tout le monde lui dit « patience ». Elle continue de subir les affres de la délinquance de son époux qui continue de prendre de la drogue, du tramadol. Il multiplie les excentricités, la frappe, l’insulte en public, la trompe, lui manque du respect en couchant d’autres filles dans le lit conjugal sous ses yeux, la blessant physiquement et même sur le plan des émotions. Elle tente un fugue, mais rapidement rattrapée par ses parents qui la ramènent chez son époux. On la frappe avec sa mère qu’on accuse de l’avoir ainsi entraîné. Elle frise la folie après tous ces traitements subis. Mais son entourage accuse les djinns d’être la cause d’un tel état. L’homme n’a jamais eu tort.

A propos de Safira. 

A l’arrivée de Ramla dans sa nouvelle demeure, elle est reçue par sa belle-famille qui lui présente la daada-saaré, la première femme de son époux. Elle doit se soumettre à elle en toute chose, c’est elle sa grande sœur. Malgré le fait que Ramla est à peine plus âgée que la première fille de Safira sa coépouse, elle est sa rivale, elles doivent partager un même mari. Les femmes d’Issa Aladji se partagent les jours pour passer la nuit avec lui. Le waalande. Safira subit la première tempête de la polygamie quand Issa Aladji prend la route pour Yaoundé avec la nouvelle épouse malgré le fait que ce soit le tour de la première de passer au walaande. Elle en est si sidérée qu’elle décide de voir son frère pour qu’il aille voir un marabout afin de mettre fin à ce mariage. Son amie intime Halima arrive et essaye de l’en dissuader. Safira pleure depuis peu, elle reste seule très souvent. Elle multiplie les stratagèmes mystiques pour séparer Issa de Ramla. Mais rien n’y fait. Elle vend ses bijoux de luxe, détourne l’argent destiné à payer la zakat aux pauvres, gonfle les factures de temps en temps en pharmacie pour soutirer de l’argent et payer ses multiples marabouts. Elle va de l’un à l’autre, cherchant à chaque fois celui qui va être efficace, en vain. La situation demeure, elle partage Issa avec une autre femme. Elle passe à la vitesse supérieure suite au voyage à Paris d’Issa et Ramla. Issa lui dit qu’elle ne peut pas les accompagner parce qu’elle est illettrée. Cet épisode choque Safira au plus haut point. Elle vole l’argent en euros dans le coffre pour donner à  Halima de garder : dix mille euros en espèces après le retour d’Europe de son époux.

Issa Aladji cherche son argent sans trouver et commence à tempêter à la maison. Il appelle les deux femmes, seules à connaître l’emplacement de la clé. Elles nient avoir pris l’argent. Il gronde chacune. Safira dit qu’en tant qu’illettrée, elle ne connaissait pas les euros. Issa les demande de jurer sur le Coran. Elles refusent de le faire. Issa les renvoie toutes les deux les accusant d’être complices pour voler son argent. Safira va dans la belle famille, et on la ramène à la maison ainsi que sa coépouse. Toutes les deux sont là. Safira s’achète des bijoux en or avec l’argent volé pour remplacer ceux qu’elle avait vendus pour payer les marabouts. Safira continue ses manigances contre sa coépouse. Du sel de trop jeté dans sa cuisine, du sable sur le lit pendant son walaande, des crachats partout dans la chambre après son passage avec Issa. Elle passait par toute sorte de décoctions, de pratiques mystiques pour s’attirer les faveurs de son époux. Son ami Halima est revenue de Centrafrique ayant séjourné chez un grand marabout femme. Elle y a pris des écorces pour Safira pour l’aider à garder son époux. Elle lui donne ceux-ci en lui livrant le secret qu’elle a découvert durant son séjour : utiliser quelques goûtes d’eau de toilette juste après les rapports sexuels avec son homme pour lui faire à manger et à boire. Les deux femmes se séparent et Safira s’engage à mettre en pratique la leçon. Pas de succès. Elle décide de se rattraper en faisant des études, elle apprend à lire et à écrire. Elle peut désormais envoyer et recevoir des messages. Elle prépare un dernier coup dur à la coépouse. Elle se fait acheter par son petit frère des puces aux contacts inconnus. Elle sème l’idée d’une liaison entre Ramla et un jeune homme. Elle appelle pour ne pas parler chaque fois qu’Issa Aladji est avec elle, ce qui contribue à exacerber les soupçons de ce dernier. Il tempête, menace de la tuer si elle ne dit pas avec qui elle le trompe. Le couteau à sa gorge, elle décide de jurer sur le Coran. Safira vient à la rescousse pour jouer à l’hypocrite. Ramla perd du sang. On l’emmène à l’hôpital où elle perd son bébé. Elle profite pour dire à Safira qu’elle est au courant de toutes ses manigances contre elle. Elle lui dit aussi qu’elle n’a jamais voulu épouser Issa malgré ce que les gens racontent, elle aimait
Aminou. Safira commence à avoir de la sympathie pour elle. Elle lui dit qu’elle ne la déteste, mais hait l’idée d’avoir une coépouse pour partager son homme. Au retour à la maison, on se réveille un matin pour apprendre que Ramla est partie de nuit. Issa Aladji refuse d’aller la chercher malgré les instances de Safira. Elle lui dit qu’elle est encore toute jeune et naïve, rien n’y fait. Issa appelle son secrétaire de préparer une lettre de divorce pour envoyer à son père. Safira est enfin seule à son mari. Elle sait désormais comment faire face à une coépouse. Quelques temps seulement, Issa Aladji prend une nouvelle femme et le cycle va recommencer au grand dam de Safira.

A propos des thèmes importants évidents dans l’œuvre, figurent le mariage forcé, le mariage précoce, la polygamie, la jalousie, la révolte, le mariage, la religion musulmane, l’analphabétisme, le viol, la pédophilie, et bien d’autres. Au niveau du style, c’est une écriture qui fait la part belle à la simplicité de langue tant en terme de lexique qu’au niveau de la syntaxe. C’est un roman qui s’inscrit dans le même sillage des romancières féministes africaines : libérer la parole  chez la femme est un credo chez elle. C’est un roman à lire et à faire lire surtout à la jeune fille africaine en mal de repères identitaires dans le monde moderne.

                                                        

Gaétan Guetchuechi, enseignant de français et critique littéraire. Retrouvez nous au 653383361 /698027418, barbarafokou@gmail.com, vidaletalla@gmail.com):
– quinze lectures méthodiques, les études thématiques, les études stylistiques des trois œuvres inscrites au programme de Terminale : Capitale de la douleur, Ngum a jemea et Munyal Les larmes de la patience.

Des cours de langue nouveau programme de terminale,

Des anciens sujets d’examen, des sujets types examen ;
Des corrigés
Un groupement de textes
Aide pratique pour le prof et pour l’élève.

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