Lu pour vous Confidences de Max Lobé et Les Maquisards de Hemley Boum : deux romans sur les traces de Ruben Um Nyobè
Confidences, une œuvre romanesque de l’auteur Suisso-camerounais Max Lobé parue au Cameroun en 2017 aux éditions proximité est d’un volume de 286 pages. Ce roman s’ouvre sur un fait historique : après une longue période à l’étranger, après une conférence à Genève (voir Cameroun : une guerre cachée aux origines de la Françafrique (1948-1971)), le héros Makon est de retour dans son pays natal dans le but de comprendre et d’apprendre ce qui s’est réellement passé dans les années 1950. Tout au long du récit, il fonce dans la forêt camerounaise pour y rencontrer et côtoyer Ma Maliga, une femme qui a vécu dans sa chair la résistance contre la puissance coloniale, afin qu’elle lui raconte ce qu’elle sait du mouvement de l’indépendance au Cameroun et de son leader Ruben Um Nyobé. Ce texte est alors le récit de Ma Maliga, une femme malicieuse, malgré son âge bien avancé, généreuse et dotée d’un bon sens stupéfiant. Toutefois, en racontant l’histoire de l’indépendance du Cameroun et de son combattant Ruben Um Nyobé, elle n’oublie pas de boire son vin blanc pour mieux se remémorer, et de faire également boire son interlocuteur Makon. Au final, c’est dans un mélange de légère ivresse et de profonde gravité que le lecteur découvre l’histoire de l’indépendance du Cameroun et sa guerre cachée grâce à Ma Maliga.
Les Maquisards est un roman de 384 pages paru à Dakar (Sénégal) aux éditions La Cheminante en 2015. Cette œuvre est découpée en vingt chapitres, selon un ordre chronologique bouleversé : Fin 1958 (7 chapitres), 1948-1958 (8 chapitres), 1999 (5 chapitres). Le récit s’ouvre sur un tableau qui reprend les noms, les parentés, les liens entre chaque actant. L’ensemble du roman pèse d’emblée sur l’issue du combat pacifique mené par Muulé et les siens. Le premier chapitre le montre d’ailleurs en prison, sous le joug des autorités coloniales françaises. Tout au long du récit, Hemley Boum présente ces hommes et ces femmes qui, depuis la Deuxième Guerre mondiale, se sont battus pour obtenir le droit à disposer d’eux-mêmes. Toute la puissance de ce texte réside ainsi dans la capacité de cette auteure à brosser les portraits de ces êtres courageux (Mpodol, Muulé, Amos, Likak) au cœur d’évènements historiques qui ont marqué la lutte pour l’indépendance du Cameroun. Hemley Boum évoque alors à travers la lutte pour l’indépendance du Cameroun, une famille et sa vie quotidienne faite de secrets, mais aussi d’amour entre les mères et leurs filles, entre les hommes et les femmes. En d’autres mots, cette œuvre avec plusieurs entrées allie les faits historiques et les faits fictionnels autour du « héros national » Ruben Um Nyobé et du volet bassa du maquis camerounais. À la fin du roman, les poèmes rédigés à la première personne du singulier sont empreints d’une sensibilité douloureuse qui ne peut que toucher au plus profond de lui-même chaque lecteur, sans doute parce que Likak trouvent écho en eux. Néanmoins, Hemley Boum se fait la porte-parole des sans voix et joue des instances narratives pour ne pas leur voler ce qu’ils ont à dire. C’est dans cette perspective qu’on sent son admiration, sa fascination pour ses personnages qu’elle ne se résout pas à enfermer dans une simple fiction romanesque.
Christelle FOUTSA NGUEPI