Lu pour vous : Sur les rues de ma mémoire de Anne Cillon PERRI, un recueil fidèle du long chapelet de la condition humaine
« Le sale suroît du quotidien
Passe en tenant en laisse mes frères bien aimés
Moi seul renâcle de ce crime » P.25, Sales Temps
Le florilègeSur les Rues de ma mémoire ouvre une brèche indiscrète dans la mémoire des souvenirs enfouis, ces souvenirs qu’on choisit de garder parce qu’ils nous font souffrir et vivre. C’est également un parcours personnel où il nous est donné de lire à travers les mots de l’auteur, le monde autour de nous, comment nous l’appréhendons et comment nous nous y déployons. « J’ai moi-même observé un silence curieux à la lecture d’Apocalyptique et de la Case aux Totems qui m’ont obligé à rentrer en moi. » En flânant dans ces rues de souvenirs impétueux, l’auteur plante un décor de verdure qu’il parsème de part et d’autre de « palétuviers » pour retrouver son enfance forestière, de quoi se constituer une feuille de route.
Anne Cillon Perri, anagramme à son nom d’origine Pierre Collin NNA est l’auteur du recueil de poème Sur les rues de ma mémoire issue de l’anthologie poétique Traversée parue en juin 2004 aux éditions Proximité. Camerounais originaire d’Angongué dans la forêt équatoriale, Anne Cillon se fait citoyen du monde, à l’instar des « bâtards internationaux » ; il n’appartient à aucune classe, à aucun clan et son universalité se clame dans ses rimes pleines et intenses, lui qui voudrait « avec le monde marcher main dans la main jusqu’à l’orgasme de la paix ».
A l’observation du poète qui contemple son environnement, le monde est une maison pleine de vie et de ce que tout cela engendre : enfance, nature, santé, routine, destin, survie, mœurs… Cette maison connait ses bons et ses mauvais jours, elle traverse ses intempéries et célèbre ses réjouissances. Quand vient l’horreur de la guerre et les discordes, ses membres se réunissent pour fumer le calumet de la paix, du moins, selon la conception que l’auteur en fait.
Sur les rues de ma mémoire : un pistolet chargé de mots
Anne Cillon Perri s’écrit et écrit la société telle qu’il la voit et telle qu’il la vit; il porte aux termes de Montaigne la forme entière de l’humaine condition. L’aède peint avec une rare précision les thèmes de l’amour, de l’enfance, de la paix, de la nature, mais aussi ceux des crises, du chagrin et de la solitude.
La clé des songes, un chant d’appel et d’exhortation
« La clé des songes » est l’un des poèmes les plus saisissants de Perri, ce qui en fait de façon mérité l’un des plus célèbres. On y retrouve mêlés le monde en crise, avec la complexité des décisions à prendre dans la vie, l’impuissance d’échapper aux dilemmes de foi ou d’amour, la cruauté humaine et l’incohérence de la vie comme le précise le préfacier. Ces situations tendues comme un guet-apens sur le parcours de l’homme sont tournées en dérision par l’auteur à travers la condition du Christ, à qui il semble s’assimiler. Pas le Christ joyeux de la bible qui accueille à bras le corps le monde et ses pécheurs, mais un Christ qui pleure à tout rompre, un Christ qui pleure plus que sur le mont des oliviers. Comme une marche apocalyptique, le poète grince le violon de la faim, de la misère et rit de l’indifférence des hommes face aux guerres qui laminent les peuples. Des hommes qui prient, qui invoquent des « tas d’ordures » vénérées tant et si bien qu’on ne sait plus qui du Christ ou de Lucifer ils invoquent. Dans ce tumulte, le poète se rend compte qu’il est plus que le commun des mortels gagné par le déni, et comme il le dit si bien :
Je deviens une forêt millénaire bruissant d’oiseaux
Il pleut dans mon cœur des rires d’enfants
Il pleut aussi cette tristesse taciturne
Qui agite les foules au boomerang des grèves P.18 La clé des songes
Le poète pourrait suivre le Christ au Golgotha, mais il choisit d’écouter le tam-tam de la justice, celui qui incite au partage et ravive les espérances.
Dans ce recueil de 40 poèmes, Perri vacille entre amour et nature, il baigne de compassion pour la communion fraternelle entre lui et ses frères du monde, il chante son amour pour Aicha, il chante la fuite du temps et les amitiés, il chante la nostalgie de son enfance et ses baignades à la rivière, il chante sa désolation pour les injustices sociales, il crie sa soif de paix, il vocifère sa faim bleue comme un enfant. Et comme un homme avisé des libertés humaines, il s’apparente à un oiseau, prêt à se pavaner d’une sphère à l’autre.
Le style Perri : une écriture rythmée
Comment en pincer pour le soleil
Quand la nuit ôte sa culotte
Ambiguïté esthétique et existentielle sont les termes qu’on a souvent attribué à la poésie de Perri. Le poète est en effet doté d’un style riche et unique. Il a une maîtrise de l’écriture de la poésie libre qu’il sait accompagner de rimes qu’il mène sans perdre le fil de ses idées et de métaphores pour le moins complexes.
L’écriture de Perri reflète une profonde introspection, car il dispose d’une remarquable capacité à tisser les mots de manière à créer des images vivantes et à évoquer des émotions, même les plus enfouies, les plus indescriptibles.
Perri est exempte de toute peur, cela se voit à travers la profondeur de ses métaphores, « Quand cette ville était ma ville, On pouvait pisser sa colère Au trottoir de la paix », « Sur les rues de ma mémoire, Des brigands chantent de beaux cantiques, tandis que dans le bourbier de l’église, un grand Lucifer est venu s’embusquer ». Un auteur qui s’est laissé entraîner dans les décombres de son esprit. La « complexité » de son écriture viendrait peut-être de ce pèlerinage que l’auteur semble avoir mené, laissant libre cours à son esprit imaginatif d’explorer les horizons lointains de sa mémoire tout comme les coins les plus obscures de son âme en perpétuel quête de paix.
Son utilisation habile de la langue et son approche innovante de la poésie laissent voir un désir sain de rendre au papier les errances de son âme. Il scrute chaque souvenir à la recherche de l’émotion qu’elle recèle ou de celle qu’il y avait laissé, il veut s’en rappeler afin de le comprendre, de le confronter parce qu’il est un oiseau et que dans les airs de sa mémoire, il veut planer sans se heurter.
20 ans que ce recueil fut écrit, et il semble toujours aussi actuel. Cela trouve sens dans le fait que l’auteur aborde des thématiques intemporelles de la condition humaine. Il ne saurait se contenter uniquement du rôle satirique de son écriture ; Perri laisse libre cours à son esprit de vagabonder dans la nature hospitalière de la forêt équatoriale, il met en lumière le rôle indispensable de la nature et de ce qu’elle offre comme échappatoire aux réalités austères. Cette nature, comme celle du Dormeur du val, embellit la morosité de la vie et dilue considérablement sa cruauté.
Bien qu’on note quelques coquilles ayant échappé à la vigilance de l’éditeur, Sur les rues de ma mémoire est de par sa valeur esthétique et sociale remarquables, une contribution salutaire à l’enrichissement de la poésie camerounaise en plein épanouissement.
Dominique GNINTELAP
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