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Raoul Djimeli : « La littérature est une main tendue »

23 Jan

Raoul Djimeli : « La littérature est une main tendue »

 « Le Tchad est mon deuxième pays. C’est une nation fragile comme le Cameroun, mais une nation de gens magnifiques.» Le poète et écrivain Raoul Djimeli s’ouvre à Gaétan Guetchuechi dans un entretien qui active le feu sous la marmite de grand-mère.

Vous êtes un écrivain camerounais très connu sur la scène littéraire. Comment et pourquoi vous êtes venu à la littérature ?

J’ai toujours été dans la littérature parce que j’ai grandi auprès de Mâ Njo qui était une prêtresse : ses chants et les paroles avec lesquelles elle parlait aux esprits m’habitent encore. C’est plus tard en écoutant sa voix résonner en moi que je suis venu au poème. Et le poème s’est éclaté sous mille formes.

Vous vous présentez comme un écrivain et un activiste culturel. Le second qualificatif renvoie à quoi ?

Un activiste culturel travaille à apporter la culture dans le quotidien des communautés. Ce que j’ai appris auprès de Mâ Njo, je veux le faire connaître. Les traditions bamiléké m’ont amené à la littérature et je suis convaincu que les traditions d’Afrique amèneront des milliers d’autres personnes sur d’autres chemins magnifiques.

A côté de cela, je travaille à apporter la littérature auprès des gens depuis 2012 à travers des festivals, des ateliers, des cafés …c’est de l’activisme.

L’écrivain que vous êtes est surtout et d’abord un poète au style très châtié. Y a-t-il primauté de ce genre sur les autres genres ?

La littérature est une main tendue. Et c’est une main chaleureuse. Elle doit toujours être chaleureuse, belle, quel que soit le genre dans lequel elle est habillée.

Vous collaborez aussi avec d’autres écrivains. Dans la revue  Bakwa Books, ou ailleurs où vous faites publier des textes. Un écrivain gagne-t-il dans ce genre de collaborations ou devrait-il se focaliser sur des publications autonomes ?

Je me dis que les gens n’ont pas les mêmes expériences : certains ont fait fortune avec un premier livre individuel (ils ne sont pas nombreux), d’autres doivent travailler à affiner leur plume sur plusieurs années, et dans divers projets pour finalement décider de faire un qui porte leur seul nom. L’excellente Amanda Gorman nous a lu un poème magnifique à l’investiture de Joe Biden, le nouveau président des Etats Unis, n’a pas publié de livre individuel…Sinon, je n’ai pas de leçons à donner : j’ai publié deux livres individuels à ce jour, et plusieurs autres en collectif, mais je travaille à devenir agriculteur et fermier.

Votre parcours littéraire est marqué par beaucoup d’engagements. Vous êtes parmi ceux qui ont lancé le CLIJEC. Racontez-nous en la génèse et son actualité aujourd’hui.

 Ah, le CLIJEC est une aventure magique ! C’est le poète Jean-Claude Awono qui a eu l’idée en 2011 d’associer quelques jeunes gens de son entourage pour commémorer les 10 ans de la disparition de Mongo Beti. Nous avons vu que c’était bon de se réunir et nous avons décidé d’en faire une association littéraire. Nos plus belles histoires, c’est l’African Festival of Emerging Writers que nous organisons depuis 6 ans, le Clijec Magazine qui notre bras de résistance, et les ateliers que nous faisons dans notre petite communauté pour s’entraider.

On vous connait très sensible aux questions de religion, de cultures où vous prenez généralement le parti de la cause africaine. De la même façon que l’on vous voit sur la même longueur d’onde que Mongo Beti quand il faut parler du néocolonialisme. Un écrivain devrait-il être un militant?

Il faut prendre le parti de l’Afrique. Ce n’est pas une question de militantisme, mais de bon sens. Il faut prendre le parti de ceux qui ont besoin de soutien.

Sur votre passeport, il est écrit « écrivain » comme profession. Comment assumez cela au quotidien ?

Je viens d’un pays qui a une très vieille tradition de la littérature. Njoya nous a tracé le chemin. Après lui, il y a eu Mongo Beti, René Philombe. Et il y a d’autres gens aujourd’hui : Patrice Nganang, Imbolo Mbue ; sans compter ceux qui sont emprisonnés. Nous sommes un pays de littérature. Il n’y a rien de surprenant à être écrivain au Cameroun.

Qui dit profession dit gagner sa vie. Peut-on vivre de l’écriture ?

Peut-on vivre du journalisme ?

Vous animez plusieurs ateliers d’écriture à travers l’Afrique. Les plus jeunes sont-ils fiers d’apprendre à écrire des livres ?

Ils sont surtout heureux de découvrir le vaste monde caché derrière les livres. Et ce ne sont pas que les jeunes. Chaque fois que je fais des ateliers à N’Djamena par exemple, il y a des papas, des mamans qui viennent redécouvrir la vie à partir des livres. Ecrire, je pense que c’est une autre décision que chacun prend, pas forcément à la suite d’un atelier.

Dans votre activisme culturel, vous tenez depuis un festival de littérature qui se tient chaque année. Parlez-nous-en.

L’African Festival of Emerging Writers est un projet du CLIJEC. C’est une manifestation culturelle qui rassemble au Cameroun depuis six ans, des artistes et des intellectuels du monde entier autour de la littérature et de ses rapports avec l’Histoire et les cultures d’Afrique.

Djimeli Raoul est auteur de Le Front brûlant de l’aube publié chez Les Bruits de l’encre, à Bafoussam. Pourquoi ce choix éditorial local?

Je n’ai pas choisi. Alain Serge Dzotap qui porte le projet de cette maison m’a contacté pour lui donner des poèmes à publier. Et je n’ai pas été déçu.

Vous allez participer à des évènements littéraires chaque année hors du Cameroun. Que représente le Tchad pour vous ?

Le Tchad est mon deuxième pays. C’est une nation fragile comme le Cameroun, mais une nation de gens magnifiques. J’y organise avec des amis depuis 2016, un grand festival littéraire qui s’appelle Le Souffle de l’harmattan et qui est un rendez-vous en hommage à l’écrivain Baba Moustapha donc les premiers textes furent publiés au Cameroun.

Si je dis : le culte des crânes…

Je répondrai que le lien avec les Ancêtres est le fondement de la spiritualité des Noirs. Nous sommes parce que nos ancêtres furent, et nous marchons debout pour que nos enfants ne soient plus jamais mis à genoux par d’autres peuples, d’autres conditions, d’autres traités.

Quelle est l’actualité de Djimeli Raoul en ce début d’année 2021 ?

Je me marie.

Propos recueillis par Gaétan Guetchuechi, journaliste culturel et critique littéraire

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