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Tuer pour tuer de Maahlox ou la textualisation de la déchéance multipolaire

23 Fév

Tuer pour tuer de Maahlox ou la textualisation de la déchéance multipolaire

Le texte lyric de Tuer pour tuer de Maahlox

Zone de rap éh

Phil-b  ah bon !

Maahlox le viber

Tuer tuer tuer tuer tuer

Tuer pour tuer (plusieurs fois)

Mon ami, on va seulement tuer

Tuer pour tuer (plusieurs fois)

Ma chérie, on va seulement tuer

Tu tchop le saucisson et tu dis que tu n’aimes pas la viande du porc ? Tuer

On te dit de donner tu crânes alors que c’est versé dehors ? Tuer

Tu mimba avec quelque chose que les asticots vont tchop à ta mort ? Tuer

Tu appelles le gars-là voyou, mais la nuit c’est chez lui que tu dors ?

Refrain

Ça sort comme ça sort

Après six bouteilles de Jack ceux qui sont débout sont les plus forts

Mon ami, retiens bien ceci, c’est une question de vie ou de mort

Un soldat n’attaque jamais l’ennemi tant qu’il n’a pas encore bu certains Reactors

Tu fais ou tu ne fais pas ? Tu fia même quoi ?

Pourquoi tu avances et tu recules comme si tu voulais déjà

Danser la danse des bafias ? Mouf !

Mouiller, c’est mouiller,

Tu es déjà dedans attrape la voisine fouille- la, fouille- la, fouille- la franchement

Enlève les bombes cachées dans son kaba éh !

Refrain

Mon ami on va seulement tuer

Refrain

Ma chérie on va seulement tuer

Mon frère tu connais, au Kmer, on se connait

Quand ce n’est pas toi qui donne, tu doubles comme si tu attendais

Faut pas mimba commande ce qui te fimba

Charles, tu dis qu’on a bu ? Laisse, le tour- ci on va seulement vider la Sanaga

Refrain

On veut seulement gâter, c’est le dérangement en vrai.

Dis- donc appelle nous les casiers

Laisse-nous le français de Molière

On est dehors pour les panthères

A l’Elysée, même à Essos, Sanza capitaine dans tous les charters

Tu connais que Tangui ne joue pas le poids

Je wanda sur toi aka ! Qui refuse de fendre le bois ?

Excuse les gens ! Tout ce que tu parles là, c’est pour toi !

Nous, on est seulement dedans, tout ce qui tu dis, c’était avant

Je wanda même

Refrain

Tu connais le mbouga te donner les scores

Qui a commandé les jus- ci ? Mouf !

Mouf nous la malchance au corps !

On va avancer, rien ne peut nous dépasser

Molah, même s’il n’y a pas les chaises on va sat sur les casiers

Les chats morts, tuer les lézards, tuer les panthères tuer pour tuer (bis)

Tu tchop le saucisson et tu dis que tu n’aimes pas la viande du porc ? Tuer

On te dit de donner tu crânes alors que c’est versé dehors ? Tuer

Tu mimba avec quelque chose que les asticots vont tchop à ta mort ? Tuer

Tu appelles le gars-là voyou, mais la nuit c’est chez lui que tu dors ? Mouf !

Beat

Refrain (plusieurs fois) et fin du morçeau.

L’analyse du discours, avec Dominique Maingueneau, donne la place depuis quelques années à des actes de paroles qui sortent du système traditionnellement préconçu comme corpus: le texte littéraire. Cette excroissance des domaines d’étude linguistique ne ferme pas les oreilles à l’épanchement social des pensées, des fantasmes et des idiosyncrasies langagières de ceux qui envahissent de plus en plus l’espace public ; il s’agit, en effet, des auteurs des  chansons populaires en Afrique au sud du Sahara. Ceux-ci bénéficient pour cela des nouveaux supports de diffusion que sont la plateforme internet et des supports numériques et électroniques.[1] Il parait donc important de se pencher sur la chanson RAP du Cameroun notamment ‘tuer pour tuer’ paru dans les bacs en 2016, de l’artiste Maalhox le vibeur en duo avec Phil-B.L’analyse devra s’attarder sur le contexte qui a fait naître cette production artistique, le texte lui-même pour y dénicher les aspects qui se lient au contexte social, sans oublier de faire un break sur les façons de mettre en musique le langage camerounais inclus dans ce que l’on appelle le français camerounais.

            Contours sémantiques du verbe ‘tuer’

            Avant toute chose, épluchons le verbe « tuer » qui apparait comme incontournable dans la chanson, fort de son apparition quasi omnipotente et la détermination sémantique qu’il peut avoir un grand rôle sur la spécification sémantique du texte dans son ensemble. Le mot tuer selon la langue française pure peut signifier ‘ôter la vie de façon violente’ ou encore ‘faire périr, détruire’. Mais lorsqu’on entre dans le contexte camerounais, on se rappelle très vite que le français se mouille les pieds en traversant la Méditerranée. Cette tropicalisation de la langue française n’épargne pas le verbe de premier groupe ‘tuer’ qui, ici peut signifier ‘exagérer’, ou encore ‘faire l’amour à une femme de façon bestiale’.

            Dans la chanson, il prend le sens de ‘exagérer’ dans la consommation de l’alcool, l’alcool doit être consommé sans émettre des réserves de la part de ceux qui se mettent dans cette perspective comportementale. La périphrase verbale ‘tuer pour tuer’ construite pour faire office de titre de la chanson enfonce le clou en maintenant d’une façon ou d’une autre le curseur sur la spirale jouissive et bestiale à laquelle il invite les uns et les autres.     

Un contexte social qui épouse les contours thymiques de la chanson 

Le fait de parler de Charles Ateba montre à suffisance que les auteurs prennent position contre les points de vue développés par ce leader d’opinion qui, il y a quelques années fustigeait le comportement que les Camerounais ont vis-à-vis des boissons alcoolisées. Les camerounais ont bu l’équivalent du fleuve Wouri, disait-il entre autres et les compositeurs de lui faire comprendre que tout cela n’est qu’un début ; ils vont vider la Sanaga « Charles, tu dis qu’on a bu ? Laisse le tour ci on va seulement vider la Sanaga ».  

Autre élément qui rappelle le Cameroun est la profusion dans le texte des marques linguistiques du français camerounais notamment le camfranglais tchop ‘Molah’, ‘Mouv’, ‘wanda’ , ‘mbouga’. Lesquels sont issus soient de l’anglais, soient des langues locales ou même du pidjinenglish.   

Les constructions syntaxiques particulières font appel une fois encore à la force des parlers locaux sur la syntaxe de la langue française ; pour cette raison se peaufinent dans la chanson des tours comme :

« On veut seulement gâter,

C’est le dérangement en vrai.

Dis donc appelle nous les casiers

Laisse-nous le français de Molière » qui obéissent aux codes grammaticaux mis en place par les locuteurs francophones camerounais du XXIe siècle.

Le contexte sociopolitique ne manque pas dans le texte du moment où un passage de la chanson fait référence à la guerre contre la secte islamiste boko haram qui perpétue des attaques dans la zone du lac Tchad dont le Cameroun fait partie. Ce sont là les éléments qui auraient été considérés comme correspondants aux horizons d’attente dans la perspective de la sociologie de la littérature.

La spirale de la déchéance morale comme esthétique de la chanson.

Hormis les aspects proprement contextuels, se dessinent dans le texte des éléments qui sont du ressort de l’isotopie de la déchéance morale. A la lecture du texte, l’on est d’emblée frappé par l’usage sans vergogne des mots qui, il y a quelques années étaient encore tabous dans l’art musical au Cameroun : « Tu es déjà dedans attrape la voisine fouille la fouille la fouille la franchement » symbole de la grégarité sexuelle crue. Il y a ici un penchant pour l’orgiaque qui est très fort.   

En dehors de l’invitation à la consommation  sexuelle sans modération, la chanson met aussi le lecteur sous le prisme de l’exagération dionysiaque et bachique aux travers d’un passage qui se moque de la vindicte moralisante de Charles Ateba Eyene dans « Charles, tu dis qu’on a bu ? Laisse le tour ci on va seulement vider la Sanaga ».  

C’est donc dire, pour conclure que cette chanson utilise une resémantisation de certains mots de la langue française, remodèle la syntaxe de cette langue, fait de temps en temps une incursion dans les langues locales pour conduire le mélomane vers un univers où la déchéance morale, éthique et comportementale est le maître- mot. On a l’impression qu’il est question de l’industrialisation du discours à forte prégnance dionysiaque et érotique.

Gaétan GUETCHUECHI


[1] De ce point de vue, le camerounais Francko s’est taillé une place dans le star system mondial par la diffusion sur la plate-forme youtube de son titre à succès ‘coller la petite’

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