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Yobo, La spirale de l’épreuve de Joseph Befé Ateba : un roman historique sur les réalités africaines

9 Sep

Yobo, La spirale de l’épreuve de Joseph Befé Ateba : un roman historique sur les réalités africaines

Note de lecture

Yobo, La spirale de l’épreuve est un roman qui relate les différentes réalités africaines à travers les différentes épreuves que traverse le héros choisi par l’auteur. En fait, Befé Ateba a utilisé Bihouhu comme toponyme principal de son roman. Il parle de ce fait des différentes activités qui s’y déroulent, ainsi que de ses us et coutumes. Pour y parvenir, il fait état des routes coloniales, de comment elles étaient construites, mais aussi des périples qu’avaient enduré les forces qui étaient à pied d’œuvre – qui étaient d’ailleurs les hommes forcés à creuser ces routes comme des esclaves qu’ils étaient – l’auteur utilise plusieurs personnages dont les principaux sont Yobo (avec comme nom de baptême Jude), Nga-Mindzougou (avec pour nom de baptême Maria) et Akara. En effet, Yobo était un enfant dont l’intelligence n’était plus à démontrer. Il mettait donc cette intelligence à profit en travaillant vraiment dur et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il trouvait son bonheur dans sa force de travail. Mais sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille, elle était une véritable épreuve. Jude avait tourné le dos à la tradition qu’il n’avait d’ailleurs jamais aimée. C’est ainsi qu’à son jeune âge – alors que les missionnaires venaient d’apporté la religion, le christianisme au pays – il s’enfuit de chez ses parents au village pour aller en ville, à Onangondi plus précisément, où il va commencer une vie religieuse qui était son rêve le plus fou en s’inscrivant dans une école catholique. Si brave qu’il était, il a volé de succès en succès sans jamais reprendre une classe. Toutefois, ayant gagné la confiance des religieux, ces derniers vont lui confier une classe de catéchèse dans laquelle, en tant que catéchiste averti, dispensera des cours de doctrine à ses camarades.

Malheureusement, il devient subitement très malade et sa maladie ne lui permet plus d’aller à l’école, car il a une tumeur aux genoux qui lui rend toute mobilité impossible : ce qui va amener les dirigeants de son école à l’exclure de l’école. Mais en tant qu’un bon chrétien, il priait nuits et jours pour que Dieu lui restitue sa santé parce qu’il était le seul témoin de ce qui lui arrivait. Finalement, Dieu exauce ses  prières en mettant sur son chemin un médecin qualifié qui guérira son mal. Mais c’était déjà trop tard pour lui de retourner à l’école. Cependant, en bon travailleur, Jude retourne au village où, de par ses multiples activités, il va devenir très riche et aura une très grande renommée dans tout le village et partant dans tout le monde entier. Chemin faisant, il rencontre Nga-Mindzougou qui, elle aussi, avait subi de très dures épreuves ; elle avait perdu ses parents et son unique sœur dans son enfance. Elle en était terrifiée et n’était plus que l’ombre d’elle-même. Heureusement pour elle, il y avait Francisca pour l’épauler et la soutenir jusqu’à ce qu’elle se marie. Yobo et Maria se sont donc fiancés et ont décidé de se marier à l’Eglise. Tout s’est bien passé et les deux amoureux avaient noué une complicité qui rendait les autres jaloux. Mais le hic était que le couple est resté pendant plus d’une décennie sans enfant aucun et ne cessait d’en prier le bon Dieu. On aurait cru que ce couple était stérile mais point n’était question. En fin de compte, le couple aura deux enfants par miracle, une fille et un garçon : ce qui apportera de la joie dans le foyer. Malheureusement, cette joie sera éphémère, car Maria n’aura pas le temps d’élever ses enfants. Elle est arrachée de la vie par une mort atroce et sans pitié. Quelques années plus tard, sa fille va la rejoindre dans le royaume des morts.

Yobo, suite à cette mort tragique de sa bien-aimée, fera trois années de veuvage et se remariera. Il aura beaucoup d’enfants avec sa seconde épouse et Moїse, qui lui rappelait toujours son épouse décédée, sera son préféré. Mais il n’aura plus de moyens financiers pour s’occuper de ces enfant parce qu’il avait dépensé toute sa fortune pour tenter de sauver Maria. Comme Dieu ne laisse jamais mourir ses enfants, Moїse deviendra plus tard médecin, accomplissant ainsi les dernières volontés de sa mère. À quatre-vingt-dix ans, Dieu rappellera Yobo à lui. Il meurt dans la fierté et avec le sentiment d’avoir accompli sa mission sur terre. Il était de ce fait devenu, après sa mort, une icône, un exemple à suivre par le reste de la communauté.

En effet, Yobo, la spirale de l’épreuve est un roman qui met en exergue la peinture de l’Homme et partant, des sociétés africaines en ce qui concerne leur évangélisation dans la période coloniale ou postcoloniale. Pour y parvenir, l’auteur utilise des univers spatiaux différents qui sont le théâtre des événements. L’histoire se déroule donc entre un espace rural qui est Biouhu et un espace urbain qui est représenté Onangondi et Ongola. À travers ce roman, Befé Ateba fait un état des lieux des routes coloniales, du traçage jusqu’aux routes finales, en passant par les forces mises en œuvre pour la réalisation de ces routes, comme nous pouvons voir dans cet extrait : « ils retrouvaient, avec stupéfaction, leur fa-si, la première route allemande à Kambalos, entièrement creusée de mains d’hommes au prix du sang » p.9 ainsi que les différentes tracasseries et des dures épreuves qu’ils enduraient pendant qu’ils creusaient les routes suivant l’extrait suivant : « tous les mâles en âge de porter pioche, pelle ou pic étaient réquisitionnés pour casser la pierre, creuser la terre ou défricher. Beaucoup durent leur salut à la fuite, ils devaient se terrer aussi longtemps que l’ordre d’amener perdurait dans leur région » p.9. Autrement dit, les jeunes adolescents mâles, les adultes et les vieux étaient pris comme des esclaves du fait des travaux forcés à eux imposés par les colons. Malgré cela, l’on se rend compte que ces routes, après tant de dur labeur pour leur réalisation, ne sont pas entretenues en fin de compte ; car ce sont des touffes d’herbes constituant d’énormes broussailles qu’on retrouvait çà et là sur la route, comme nous le démontre l’extrait ci-après : « ils se scandalisaient toutefois de voir d’immenses touffes de broussaille ébouriffées envahir ce que l’histoire devrait baptiser la via germanica dolorosa » p.9. 

Toutefois, il est à rappeler que ce roman développe plusieurs thèmes tels que la mort, la souffrance, la tradition, la religion, la sorcellerie, les travaux forcés, mariage précoce et forcé des jeunes filles, entre autres. Alors, de tous ces thèmes sus-cités, il s’avère que l’auteur met un point d’honneur sur la religion et la tradition. Ces deux thèmes phares font maison commune mais chambre à part dans ce roman compte tenu de leurs idéologies divergentes. Mais la religion prenait le dessus sur la tradition, ceci dans la mesure où, comme nous avons mentionné plus haut, le héros, Yobo, tourne carrément le dos à la tradition depuis son enfance pour embrasser la religion comme le précise l’auteur en ces termes : « l’enfant préféra très tôt l’Église catholique », p.18.

Cependant, il y a comme une polémique dans l’idéologie de l’auteur. Il manifeste la tradition à travers l’oralité qui se caractérise par des chansons notamment dans l’extrait suivant :

« vieillissant, ils fructifie encore,

Pleins de sève et de verdeur,

Pour dire à l’âge qui vient :

Pas de ruse en Dieu, le rocher » p.12.

Mais aussi des calques de la langue qu’il maitrise si bien, l’Ewondo, suivant ces passages :

  • So qui est un rite d’initiation en Ewondo
  • Bita bi De Gol pour dire De Gaulle (p.17)

À travers toutes ces marques de l’oralité, l’on serait en proie de comprendre qu’il s’agit d’une interpellation de la communauté des lecteurs africains à un éventuel retour aux sources. Mais à un moment donné, on se rend compte qu’il y a comme une contradiction dans la mesure où l’auteur met également en exergue la religion qui, avec son idéologie, est contre les us et coutumes par lui prônés. On le voit, la religion supplante la tradition : « ils étaient le fils de son père Essama-Nkeke, un polygame comme il y en avait alors tant avant que les missionnaires n’apportassent ce qu’ils appelaient Bonne Nouvelle », p.16. Finalement, on ne sait plus ce que l’auteur prône dans son roman. Ceci peut se comprendre, car, en tant que prêtre ordonné en 1987, précisément le 20 juin, il a rédigé ce roman avec un penchant religieux et, du coup, l’on peut comprendre sa position quant à la religion et la tradition.

En outre, l’auteur laisse voir en avant-première les routes coloniales, du traçage jusqu’à la réalisation en passant par leur entretien. Mais l’on s’attendait à ce qu’il établisse une relation entre ces routes coloniales et celle d’aujourd’hui en répondant aux questions suivantes : les routes que nous avons aujourd’hui sont-elles restées intactes depuis leur réalisation par les colons ou ont-elles été réhabilitées ? Si elles ont été réhabilitées ou non, sont-elles entretenues de manière à réduire les risques et l’insécurité que rencontrent les usagers ?  

Gaël FOLEFACK, Université de Dschang

Joseph Befé Ateba : Yobo, La spirale de l’épreuve, Editions CLE, Yaoundé, 2006, 106 pages.

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